Évaluer l'impact des énergies renouvelables à grande échelle sur les animaux sauvages - Partie 2. Les impacts sur le Souslik européen

Entretien avec Lida Rammou par Margot Verdier
Juin 2025
Lida Rammou est chercheuse postdoctorale au département de biologie de l'université Aristote de Thessalonique. Elle étudie le Souslik européen, une espèce d'écureuil qui construit des terriers soutterains. Ses recherches actuelles, financée par la WWF Hellas, se concentrent sur les montagnes de Vermio, en Macédoine occidentale, qui abritent la seule population montagnarde de sousliks et sont visées par plusieurs projets de parcs éoliens à grande échelle. Dans la seconde partie de cet entretien, elle décrit l'impact des énergies renouvelables à grande échelle sur la faune sauvage.

Quels impacts ont été observés sur la faune dans les études que vous avez identifiées pour rédiger votre commentaire ?

Tout d’abord, je vais dire quelques mots sur les sousliks afin de mieux comprendre ces enjeux. Il s’agit essentiellement d’animaux semi-fossoriaux, c’est-à-dire qu’ils construisent des terriers sous terre. La profondeur maximale qu’ils peuvent atteindre est d’un peu plus d’un mètre. Ils utilisent ces terriers pour dormir, pour se protéger, pour se reproduire et pour satisfaire tous leurs besoins biologiques, à l’exception de l’alimentation qui a lieu à la surface. Les sousliks se nourrissent de feuilles, de fleurs, de fruits et, dans une moindre mesure, d’animaux plus petits tels que des insectes, etc. En hiver, ils hibernent également dans ces terriers. Comme le montre le cycle de vie du souslik, les terriers qu’il construit sont d’une grande importance pour lui. C’est pourquoi il ne s’en éloigne jamais. Leur aire de déplacement, c’est-à-dire la zone dans laquelle ils opèrent pour satisfaire tous leurs besoins biologiques, a un rayon de quelques mètres. Les mâles vont parfois plus loin, jusqu’à 500 mètres ou 1 km.

Pour en revenir à votre question, l’impact peut être différent selon l’état d’avancement des travaux. Lorsqu’ils sont en danger, les sousliks ne s’enfuient pas mais rentrent dans leurs terriers. Cela signifie que, dans la première phase de la construction, tout ce qui affecte les terriers, comme une route ou un creusement, aura un impact sur les sousliks, les tuant souvent. Ces travaux auront également pour effet de compacter le sol. Le passage d’engins lourds ou la construction d’une route entraîne le compactage du sol, ce qui a des répercussions négatives sur tous les animaux vivant à 60 centimètres sous terre.

L’EIE rédigée par l’entreprise affirme qu’il n’y aura pas d’impact sur les espèces sauvages pendant la phase de construction, car les animaux quitteront temporairement la zone… Dans le rapport que nous avons soumis à la consultation publique, j’ai démontré que cette hypothèse ne s’applique pas à certaines espèces, en particulier le souslik. Comme d’autres espèces souterraines – telles que la taupe ou diverses espèces de petits rongeurs – le Souslik ne quitte pas facilement son territoire. Le souslik est étroitement lié à son terrier. Pendant les travaux de construction, ce genre d’animaux ne se déplacera pas mais restera sous terre et sera très probablement tué. Il est important d’évaluer chaque espèce en fonction de ses besoins biologiques. Il s’agit d’une question écologique sérieuse que l’étude ne prend pas en compte.

Il est également important de noter que, même si les travaux de construction n’ont pas lieu exactement dans une zone où les sousliks sont présents, cela ne signifie pas qu’ils ne seront pas impactés. C’est ici que se pose la question des impacts indirects. Un exemple typique est la fragmentation de l’écosystème. Les routes ou les installations créent des barrières artificielles qui entravent les mouvements naturels des animaux. Ces barrières empêchent la communication entre les différentes colonies d’animaux et entre les individus. En limitant les mouvements entre les populations, une barrière génétique – ce que la science appelle l’effet « goulot d’étranglement » – se crée progressivement. Dans ces conditions, les populations commencent à se reproduire de manière isolée, ce qui augmente le risque de consanguinité et rend l’écosystème plus vulnérable aux pressions environnementales et aux maladies.

Un autre risque indirect est la modification de l’habitat : en changeant le paysage et en construisant des routes, il est facile d’introduire des espèces envahissantes. Les graines, par exemple, peuvent être transportées par les animaux ou par les voitures et les machines. Chaque fois que nous créons de nouvelles routes, nous augmentons les chances que les plantes parcourent de grandes distances et commencent à coloniser de nouveaux endroits. Cela perturbe l’équilibre de l’écosystème local. Et il n’y a pas que les plantes, les animaux aussi utilisent les nouvelles routes pour se déplacer plus facilement sur de plus longues distances.

En passant de la phase de construction à la phase d’exploitation d’un parc éolien, il est possible que certaines colonies de Sousliks aient survécu. Des études scientifiques montrent que la présence d’une éolienne dans leur zone de vie provoque un stress permanent chez les animaux. Les hélices produisent un son continu à basse fréquence, de sorte que les animaux ne sont pas bien conscients de leur environnement. Pour une espèce comme le souslik, qui est une proie pour les prédateurs, l’incapacité à percevoir l’environnement entraîne une vigilance constante. Biologiquement, cela signifie que leur corps produit constamment de l’adrénaline. Bien qu’il puisse survivre dans ces conditions, la pression chronique peut avoir un impact sur la reproduction, l’alimentation, la communication avec les autres Sousliks… Ils ont donc d’une mauvaise qualité de vie.

Comme vous pouvez le constater, il existe différents impacts pendant et après la construction d’un tel projet. Cependant, pour les évaluer, il est absolument nécessaire de s’appuyer sur la littérature scientifique et les études qui ont été réalisées sur des projets similaires, en Grèce et à l’étranger. C’est la seule façon de comprendre les impacts réels de tels projets sur l’écosystème.